Communiqué : Noordeen ESSAK obtient l’asile

Communiqué de « Faux-la-Montagne Solidaire » :
Noordeen ESSAK obtient la reconnaissance de sa qualité de réfugié.
Merci à toutes les personnes qui l’ont soutenu.

La CNDA (Cour Nationale du Droit d’Asile) vient de prendre la décision de reconnaître à Noordeen ESSAK, Soudanais, la qualité de réfugié. En conséquence, il bénéficie désormais de la protection de la France au titre de l’asile.

La CNDA annule ainsi la décision prise il y a près d’un an par l’officier de « Protection » de l’OFPRA (Office Français pour la Protection des Réfugiés et des Apatrides).

Noordeen ESSAK est arrivé en France en février 2017.

Trois années de calvaire en France auront donc été nécessaires pour enfin aboutir à ce qui aurait dû être une décision de simple bon sens prise immédiatement.

Il a d’abord fallu à Noordeen ESSAK sortir du piège insensé du « dublinage* », qui lui a valu une première expulsion vers l’Italie en octobre 2017, d’où les autorités italiennes l’ont immédiatement renvoyé vers la France.

A son retour, Noordeen ESSAK se serait retrouvé à la rue s’il n’avait été hébergé et soutenu, ainsi que plusieurs de ses compatriotes et compagnons d’infortune, par un collectif d’habitants, « Faux-la-Montagne Solidaire » et accompagné dans ses démarches et son apprentissage de la langue française par les bénévoles de l’association « la Cimade ».

Malgré les démarches argumentées effectuées auprès de la préfecture de la Creuse pour que Noordeen ESSAK puisse enfin présenter son dossier de demande d’asile en France, malgré le soutien du conseil municipal et d’une large partie de la population, la préfète de la Creuse prenait en juin 2018 la décision inique et inhumaine de le renvoyer une nouvelle fois en Italie. Elle refusait ainsi de prendre en compte le refus déjà manifesté par ce pays de le recevoir. Elle fermait les yeux sur le risque qu’il en soit expulsé vers le Soudan où il risque la mort. Et pourtant, il aurait été à ce moment-là très facile de le laisser accéder à la procédure d’asile en France, pays où il résidait depuis un an, dont il commençait à bien parler la langue, où il avait des attaches amicales et des engagements et où une communauté villageoise souhaitait clairement continuer de l’accueillir.

D’importantes manifestations de soutien se déroulaient alors successivement devant la gendarmerie de Royère-de-Vassivière puis celle de Felletin, réclamant le maintien en France de Noordeen ESSAK et l’annulation de son placement en CRA (Centre de Rétention Administrative : « prison » pour les personnes dont le seul « délit » est d’avoir fui leur pays et d’avoir cherché refuge en France, dans laquelle, depuis la loi Macron-Collomb de 2018 et grâce aux députés de « La République En Marche » il est devenu légal d’enfermer même des enfants).

La préfète enjoignait alors à ses troupes de gendarmerie une intervention musclée de dispersion de la manifestation pacifique, une première en Creuse. Au milieu des gaz lacrymogènes, Noordeen ESSAK, les mains liées à une ceinture de contention, était trainé sans ménagement hors de la gendarmerie alors qu’il n’opposait aucune résistance, et même frappé par un des gendarmes, pour être évacué, toutes sirènes hurlantes vers le CRA du Mesnil Amelot, sans que ses « accompagnateurs » acceptent de tout le voyage de desserrer la ceinture de contention et les douloureuses attaches de ses poignets qui le faisaient souffrir.

Tout cela pour que deux jours plus tard Noordeen ESSAK soit libéré par la Police Aux Frontières constatant l’impossibilité juridique de procéder à son expulsion, et qu’encore deux semaines plus tard la préfète batte piteusement en retraite au Tribunal Administratif de Limoges, reconnaissant que la procédure était « peut-être » illégale !

Noordeen ESSAK obtenait ainsi enfin le droit de solliciter l’asile en France.

Huit mois plus tard, sa demande d’asile était rejetée par l’officier de l’OFPRA qui l’avait interrogé, pour des motifs consternants de stupidité et d’ignorance, malheureusement fréquents dans cet organisme. Noordeen ESSAK était de nouveau plongé dans l’incertitude et l’angoisse. Il lui a fallu attendre près d’une année supplémentaire, jusqu’à la décision toute récente de la CNDA faisant enfin droit à sa demande sur la base d’éléments pourtant tous déjà portés à la connaissance de l’OFPRA.

Noordeen ESSAK va enfin pouvoir se centrer sur son avenir et se consacrer pleinement à la formation d’infirmier qu’il souhaite mener depuis longtemps.

Il va désormais lui être enjoint de « s’intégrer » après que tout a été fait pour le « désintégrer ».

Dans quelques jours, il devra signer un « Contrat d’Intégration Républicaine » en vertu duquel il suivra une formation d’initiation aux « valeurs républicaines de la France » et à sa devise « Liberté, égalité, fraternité », en pleine contradiction avec tout ce que l’administration lui a montré depuis trois ans.

Heureusement, Noordeen ESSAK a pu aussi constater le décalage entre les discours et les pratiques des autorités et les multiples gestes et actions de soutien et de solidarité qu’il a connus depuis qu’il a mis le pied sur le sol européen.

Il tient aujourd’hui à remercier toutes les personnes qui se sont mobilisées pour l’accueillir et lui permettre de rester en France.

Noordeen ESSAK va désormais pouvoir construire sa vie dans un environnement stable.

Mais combien d’autres autour de lui, restés isolés face aux « lois de la honte » et aux pratiques souvent « hors la loi » des administrations préfectorales et policières, termineront broyés ?

La vigilance et l’intervention citoyenne restent de mise face à toutes ces aberrantes situations d’injustice. Plus que jamais, il nous faut continuer à dire non aux expulsions et à soutenir l’accueil inconditionnel des exilés.

* « dublinage » : en vertu des accords européens de Dublin, une personne exilée doit demander l’asile dans le pays par lequel elle est entrée en Europe et non dans celui dans lequel son parcours a fini par la mener. Cette règle a pour effet de faire peser l’essentiel de la charge de l’accueil sur les pays situés aux frontières extérieures de l’Europe : Italie, Espagne, Grèce, Bulgarie, qui n’en veulent pas, pendant que les autres pays détournent les yeux. L’application de cette règle conduit fréquemment à une partie de « ping-pong » où deux pays, par exemple la France et l’Italie, expulsent indéfiniment l’un vers l’autre la même personne sans perspective d’issue. Pourtant ces mêmes accords prévoient aussi que tout pays reste libre de recevoir et d’accorder sa protection à qui il le décide, sans tenir compte de cette règle. Et surtout, les conventions internationales prévoient que toute demande d’asile doit faire l’objet d’un examen.

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